Dans une commune de Seine-Saint-Denis, c'est la rentrée au collège Pierre
Ronsard. La première rentrée d'Anna Doblinsky, jeune professeur de lettres
débutant. On l'a beaucoup mise en garde. Quartier sensible, poste difficile.
La violence ordinaire du verbe et des gestes, l'avenir de ceux qui savent leur
avenir bouché. Parmi ses élèves, il y en a un qu'elle aime. Plus mûr, plus
doué, plus délicat que les autres : Lakdar. Son rêve, c'est de faire de la
bande dessinée. Il a du talent et a été encouragé par un pro. Mais suite à une
chute accidentelle, un plâtre trop serré aux Urgences, sa main droite reste
inerte. Il garde espoir en pensant qu'on va l'opérer et qu'il pourra de
nouveau dessiner. Mais un médecin plus courageux que les autres lui avoue la
vérité. Il est infirme et c'est définitif. La descente aux enfers de Lakdar
commence là. Son rêve est brisé. Anna, bouleversée, essaie de l'aider. La
tante Zora aussi. Elles font ce qu'elles peuvent mais n'ont que de bonnes
paroles à lui offrir, et les bonnes paroles, Lakdar n'en veut plus. Par
désespoir, lui, le seul espoir de la classe, est poussé sous la coupe de
Slimane. Il n'a plus rien et quand on n'a plus rien, il reste la haine...
Alain Tasma a confié les principaux rôles de ce film à Samy Seghir
et Anaïs Demoustier. Il les a entourés de nombreux comédiens qui à la lecture du
scénario et grâce à la force des rôles, ont accepté sans hésitation de
participer à l'aventure, à l'instar de Robin
Renucci et Mireille Perrier que le réalisateur avait déjà réunis dans "La
Surprise" et qui dans "Fracture" interprètent les parents d'Anna.
Juste quelques scènes mais elles sont intenses...
Du côté des profs, citons Laurent Stocker de la Comédie Française mais aussi
Patrick Catalifo que
le réalisateur avait déjà dirigé dans "Les
Bleus". L'univers de ce film ne lui est pas tout à fait inconnu. Avant de
se tourner vers la comédie, alors qu'il avait vingt ans à peine, Patrick a lui-même été éducateur dans
une banlieue sensible... Mais ce n'est pas seulement l'histoire qui lui a
donné envie de venir jouer pendant deux jours... "C'est surtout l'envie de retravailler avec Tasma",
m'a t-il confié.
Alain Tasma n'a choisi aucun comédien au hasard. "Tous avaient envie
d'être là".
Ici, les élèves sont les héros. Et pourtant, à part Samy Seghir révélé par le
film "Neuilly sa mère", les adolescents qui jouent dans "Fracture" n'avaient
jamais joué auparavant. Idem en salles des profs. A part les trois comédiens
du film, les
autres sont de vrais profs.
"C'est un film où il n'y a ni gentil, ni méchant, mais simplement des gens
qui souffrent, dépassés par la réalité d'une vie sombre", explique Alain
Tasma.
Et comment prépare t-on ce genre de film ?
"La plupart des élèves ont été repérés par des directeurs de casting
dans l'enceinte du collège Pablo Neruda d'Aulnay-sous-bois où le film a été tourné.
J'ai choisi cet établissement pour son aspect neutre, ni beau ni laid, ni
vieillot ni moderne. Avant le tournage, je me suis beaucoup baladé en
banlieue. J'ai rencontré des profs, des élèves, des parents... J'ai aussi
passé du temps, assis au fond d'une classe... Bref, je suis allé sur le
terrain comme je le fais pour chaque film. Le décor compte beaucoup. Il était
important de tourner dans une "vraie école de banlieue" pour s'imprégner de
toute cette violence qui y règne... "
Cette violence qu'Alain Tasma a tout de suite ressentie la première fois qu'il
est entré dans une salle de classe et qu'il n'a absolument pas exagérée...
©
Maryline Richer pour citeartistes.com (26 octobre 2010)