Si son nom ne vous est pas encore
familier (du moins pas encore !), son visage ne vous est pas inconnu. Et pour
cause... Le C.V de Corinne Masiero est impressionnant : Une cinquantaine
de rôles au Théâtre... Et autant pour la télévision où on l'a surtout vue
dans des petits rôles... Jusqu'au jour où Josée Dayan a eu la bonne idée
de lui confier le rôle de Retancourt, étonnant personnage de la
Collection
Fred Vargas.
Mais Corinne a aussi toute une
palette de rôles à son actif. Flic ou voyouse, drôle ou
méchante, aucun de ses personnages n'a pu
vous laisser indifférent et souvenez-vous de quelques scènes marquantes... Dans "P.J", elle enferme Fournier
alias Bruno Wolkowitch dans une cave. Il n'en sortira pas vivant...
Dans "Le Réveillon des bonnes", elle vient se présenter en haillons dans
la digne famille Servan-Chabot à la recherche d'une nouvelle bonne...
(Pour anecdote : dès le lendemain, un internaute nous a écrit pour
demander comment se procurer "Le sketch de Corinne Masiero"...
C'est peu dire !)
Pute dans "Les Bougon" mais aussi
dans "Engrenages", révolutionnaire dans "Voici venir l'orage", maman
furieuse dans "Equipe médicale d'urgence", concierge désordonnée dans
"Quelques mots d'amour"...
Tellement unique, tellement étrange... Dans "La plume empoisonnée",
elle apparaît franchement suspecte aux yeux de l'inspecteur Lampion...
Vous l'avez compris ! Cette
comédienne peut tout jouer... Particulièrement étonnante dans tous ces
rôles ingrats dans lesquels elle apparaît plus vraie que vraie. Grâce à son patois prononcé, elle fait
partie de tous les tournages du Nord de la France : "Bruay en Artois",
"Moi, Louis enfant de la mine", "Les Vivants et les morts"...
Rien d'étonnant qu'aujourd'hui, le 7ème Art s'intéresse enfin à elle...
C'est Cyril Menneguin qui, cette année, lui offre son premier rôle au
Cinéma...
Le film s'appelle "Louise Wimmer"
et tu en as le rôle titre. C'est la
première fois ?
- Oui, c'est une formidable
expérience ! Nous avons tourné tout l'été entre Paris et Belfort. Je
n'avais jamais joué un personnage aussi important. Je suis pratiquement présente dans
toutes les scènes du film. Sur ce tournage, j'ai appris à bosser tous les jours,
sans relâche, et à travailler
avec beaucoup de rigueur.
Que peux-tu nous dire de cette
"Louise Wimmer" ?
- J'ai vu les premiers
montages et je suis sortie de la salle, assez impressionnée. Louise Wimmer n'est pas
du tout le genre
de personnage que l'on m'a proposé jusqu'à maintenant. Son histoire
est particulièrement touchante.
Cette nana vit dans sa bagnole depuis qu'elle a quitté son mari. Elle
travaillait avec lui et du coup, elle a aussi perdu son emploi. Comme elle
n'était pas déclarée, elle n'a pas droit aux allocs. C'est un très beau
personnage qui malgré sa situation, essaie de garder la tête froide. Elle
ne veut surtout pas faire pitié et cache la vérité à tout le monde, y
compris sa fille, son ex-mari, son amant et même aux assistantes sociales.
Comment as-tu été choisie pour
ce rôle ?
- A l'époque où Cyril Menneguin
préparait ce premier long métrage, il est tombé par hasard, en zappant
devant sa télé, sur la scène de "Sous les vents de Neptune" où j'étais
dans une voiture en train de rigoler avec Jean-Hugues Anglade et Rémy
Girard. Il a eu un flash. J'étais sa "Louise Wimmer". Il a attendu la fin
du film pour trouver mon nom au générique. Et le lendemain, il m'a appelée
pour me parler de son film et me proposer le rôle. J'étais très surprise
au départ puis on s'est rencontrés. Le courant est passé tout de suite et
le projet a fini par se concrétiser. La sortie du film est prévue
courant 2011.
D'ici là, on va te revoir à la
télévision, notamment dans "Un Lieu incertain", le nouveau "Fred Vargas"
avec toujours Josée Dayan aux commandes... Et ça aussi, c'est une belle
aventure ?
- Oui, c'est le quatrième
film de la Collection. J'ai beaucoup aimé les précédents mais "Un Lieu incertain" est mon
préféré.
Avant de décrocher le rôle de
Retancourt, connaissais-tu les romans de Fred Vargas ?
- Non, je lisais rarement des
polars. Evidemment, quand j'ai su que j'allais tourner "Sous les Vents de
Neptune", je me suis précipitée sur le bouquin et j'ai adoré l'univers de Fred
Vargas.
Je me souviens de notre
première rencontre. C'était justement sur le tournage de "Sous les Vents
de Neptune" en 2006, entre un cimetière et un vieux manoir...
Est-ce
toujours aussi agréable de tourner sous la direction de Josée Dayan ?
- Oui, c'est super ! Non seulement Josée a
beaucoup de talent, mais elle aime ses acteurs. Elle nous permet de
proposer des choses et avec elle, il y a un véritable dialogue.
Et avec Jean-Hugues Anglade et
Jacques Spiesser, comment ça se passe ?
- On s'entend à merveille !
D'ailleurs, Josée nous a surnommé "Les Pieds Nickelés". Avec eux aussi,
j'ai beaucoup appris. Les dialogues d'Aremberg sont souvent très longs et
j'ai toujours été impressionnée par l'aisance de Jean-Hugues sur les
tournages. Il a des tartines de textes et il est toujours aussi excellent.
L'autre jour, je t'entendais
dire "J'aime être moche" ! Qu'est-ce que ça signifie pour toi ?
- La "mochitude", c'est quelque
chose de vrai et qu'il faut savoir apprivoiser. On a tous en soi un côté
beau et un côté moche. Ensuite, il y a ceux qui font tout pour s'embellir.
Moi, je n'aime pas tricher. Les imperfections d'une personne font aussi
ses charmes. Et oui, j'adore être moche, surtout à l'écran... Quand je me
vois dans "Un Lieu incertain", je suis ravie du résultat...
Et tu vas voir la tronche de "Louise Wimmer" !!!
Tu fais aussi partie de
l'excellente saga "Les vivants et les morts" !
- C'est juste un petit
rôle mais je tenais vraiment à participer à cette aventure. Même une simple
figuration, j'aurais accepté ! J'ai adoré l'histoire. C'est un
milieu que je connais bien. Je suis moi-même issue d'une famille de
prolos. Comme beaucoup d'immigrés italiens, mon grand-père est venu
travailler dans le nord de la France, près de Douai. C'est là que j'ai grandi
et là où j'ai fait mes pires conneries d'adolescente. J'ai vraiment pris
du plaisir à tourner les scènes de manifs et celles au réfectoire... Gérard Mordillat nous a laissé
une grande liberté de jeu et j'adore improviser. Là, j'ai vraiment pu me lâcher... Un
vrai bonheur, ce tournage !
A l'époque de "Sous
les vents de Neptune" tu m'avais confié avoir débuté ta
carrière assez tardivement... Peux-tu nous rappeler ce qui a
provoqué ce déclic ?
- C'est vrai ! J'avais 28 ans. Je
n'avais aucune expérience du théâtre et l'idée de devenir comédienne ne
m'avait jamais effleuré l'esprit. Ce jour-là, j'étais juste venue donner
un coup de main à des potes qui montaient une petite pièce. Et là, ils m'ont
proposé de venir faire du training avec eux. Une fois sur scène,
je ne voulais plus en descendre. J'ai compris à ce moment-là que j'avais
trouvé ma place. J'ai commencé à faire du théâtre de rue. La première
pièce que j'ai jouée était "Le Bouc" de Fassbinder. Ce jour-là, il y avait
dans la salle un metteur en scène Thierry Poquet qui m'a engagée dans une
compagnie qui n'existe plus "Le Collectif Organum" qui comptait une bonne
trentaine de personnes. On se produisait dans le Nord mais aussi dans des
festivals, partout en Europe. Il y a un autre metteur en scène qui a beaucoup compté pour
moi, c'est Guy Alloucherie avec qui j'ai joué pendant un mois à Aubervilliers.
Didier Bezace, le directeur du théâtre, a vu le spectacle et m'a ensuite
proposé un rôle dans "Feydeau Terminus". C'était en 2001.
C'est là que j'ai été repérée par Dominique Varda. Elle est devenue mon agent... Depuis,
j'enchaîne les rôles...
Et maintenant, quels sont tes
projets ?
- Je continue à tourner dans le
Nord avec deux pièces "La Cuisine d'Elvis" mise en scène par Nicolas Ory,
un jeune metteur en scène, lui aussi originaire du Nord. Et je joue aussi
Bernarda dans "Le cauchemar de Bernarda" adaptation de la pièce de Lorca
"La Maison de Bernarda", mise en scène par Sophie Bourdon. A
partir de décembre, je vais tourner à Toulouse un autre film pour le
Cinéma "Le Sens de nos peines" d'un jeune réalisateur, Stéphane Cazes dont
c'est également le premier long métrage. Cette fois, l'action se situe
dans une prison de femmes. J'ai aussi en projet "Les Putes"
(Oui, encore !) une pièce que la comédienne
Marie Denarnaud est en train de monter.
Je suis ravie à l'idée de retravailler avec elle. Nous avions déjà eu l'occasion de
jouer ensemble
dans "Le
Réveillon des bonnes" et on s'est retrouvées avec
plaisir dans "Les
Vivants et les morts". Je l'aime beaucoup. C'est une actrice formidable.
Je sais qu'un autre projet te
tient très à coeur, c'est une association en cours de création qui
s'appelle "Acteurs en Nord" dont le but est de défendre les acteurs
habitant le Nord de la France...
- Oui, car il y énormément de
tournages qui se déroulent dans le Nord, aussi bien pour le Cinéma que
pour la télévision, mais la plupart du temps, les castings se déroulent à
Paris et lorsque le projet démarre, tous les rôles principaux sont déjà
choisis. En région, il y a de très bons acteurs mais malheureusement, ils
n'ont droit qu'aux figurations et aux petits rôles. Alors, on espère que
cette association permettra de faire bouger les choses.
Merci Corinne. Grâce à toi, nous aurons
sûrement l'occasion de reparler d' "Acteurs en Nord". A très vite !